La médiathèque intercommunale de Saint-Dié garde en ses murs de nombreux documents anciens dont certains ont marqué l’Histoire. Parmi ceux-ci, on trouve la Description de l’Égypte, véritable œuvre et encyclopédie monumentale du début du XIXe siècle sur la région du Nil. L’œuvre est liée à l’expédition d’Égypte de Napoléon (1798-1801) et a CONTRIBUé durablement à l'essor de l’égyptologie et l’orientalisme artistique. Cependant, ce n'est pas le seul document ancien sur l'Egypte conservé dans les fonds de la médiathèque.
Avant l’arrivée de Napoléon en Égypte, de nombreux voyageurs ont arpenté les routes d’Orient. Il s’agissait de voyages ponctuels et souvent guidés par une curiosité individuelle. L’un d’entre eux laissa une empreinte durable de son passage. En effet, à la fin du XVIIIe siècle, le philosophe Volney raconte son voyage en Orient dans son ouvrage Voyage en Syrie et en Égypte. Il y dépeint de manière très précise un tableau d’une Égypte tourmentée et postule l’idée que ce pays doit changer de mains afin de sauver et déchiffrer les vestiges antiques.
Volney, Voyage en Syrie et en Égypte pendant les années 1783, 84 et 85, An VII, Bibliothèque intercommunale de Saint-Dié, cote 26 961. L’oeuvre de Volney fait référence sur l’Égypte à la fin du XVIIIe siècle. | Volney, Voyage en Syrie et en Égypte pendant les années 1783, 84 et 85, An VII, Bibliothèque intercommunale de Saint-Dié, cote 26 961. Gravure des pyramides de Gizeh par Louis Garreau. |
Cette idée est reprise par la jeune République française et un certain Bonaparte qui y voient également une
opportunité stratégique : couper la route des Indes au grand rival britannique. Province de l’Empire
ottoman, l’Égypte échappe au contrôle de son sultan et est en proie à des dissensions internes.
Carte de l’Empire ottoman datant de 1824 dans Hammer, Histoire de l’Empire ottoman (…),
Bibliothèque intercommunale de Saint-Dié, cote 10 255 – L’Égypte fait alors partie d’un Empire ottoman
en déclin. Éloignée d’Anatolie, la région est quasiment autonome.
C’est ainsi que l’Expédition d’Égypte prend forme en 1798 qui comprendra un volet militaire et un volet scientifique. Il s’agit d’introduire la science rationnelle prônée par l’esprit des Lumières en Orient, et d’enlever cette région à l’influence britannique.
La même année sont créés l’Institut d’Égypte et la Commission des sciences et des arts. À une époque où ce pays est connu au travers des récits fantasmés d’historiens antiques et de quelques voyageurs contemporains, ces institutions vont entreprendre de décrire la région dans un esprit scientifique dans tous les domaines. La démarche va séduire nombres de jeunes inconnus qui se feront un nom en Égypte. Au total, la Commission des sciences et des arts comportera 167 personnes, d’une moyenne d’âge de 25 ans.
L’armée d’Orient débarque à Alexandrie le 2 juillet 1798. Pendant trois années, les habitants, la faune, la flore et les vestiges antiques seront pleinement étudiés sous une protection militaire importante. Au fur et à mesure que les troupes françaises avancent en Égypte, les savants suivent les soldats et entreprennent leurs études.
Eau-forte d’après la toile Bonaparte en Egypte d’Edouard Détaille,
XIXe siècle, Bibliothèque intercommunale de Saint-Dié, cote E 46.
L’illustration représente un Bonaparte victorieux face aux Mamelouks
d’Égypte.
Reproduction de la toile Bonaparte aux pyramides contemplant la
momie d’un roi du peintre Maurice Orange, 1895, Bibliothèque
intercommunale de Saint-Dié, cote G ER 176.
Un temps victorieux, les Français sont progressivement mis en difficulté par les Anglais et leurs alliés qui finissent par prendre le dessus. La flotte française est coulée à Aboukir, tandis que l’éloignement de la Métropole et les épidémies au sein des troupes rendent difficiles une installation pérenne. Bonaparte rentré en France en 1799, c’est au général Kléber qu’est attribué le commandement des troupes en Égypte. Son assassinat en 1800 précipite encore le déclin de la campagne militaire française qui s’achève un an plus tard.
Si le volet militaire de l’expédition est un échec, son aspect scientifique sera un succès et débouchera sur un ouvrage monumental publié aux frais du gouvernement français : la Description de l’Égypte.
La démarche est inédite car jamais un pays n’avait été étudié de façon aussi complète. Cette œuvre sera la première encyclopédie entièrement consacrée à l’Égypte.
Description de l’Egypte, 1810-1826 – Exemplaire de Jules Ferry et
Abel Ferry. Bibliothèque de la Boussole, cote Res. A XIX 15.
Tirée à 1000 exemplaires, la première édition paraît progressivement de
1810 à 1826. Elle compte une vingtaine de volumes comprenant plus de
3000 illustrations. Ce ne sont pas moins de 300 graveurs parmi les meilleurs
de Paris qui ont été sollicités pour élaborer ces planches dont certaines ont
nécessité près de deux années de travail.
Les estampes sont très précises, même si leurs auteurs se permettent
quelques fantaisies. Il leur arrive par exemple de montrer entièrement un
monument en réalité ensablé ou de reconstituer des scènes antiques.
Vue du Temple d’Amon de Louxor (ville antique de Thèbes)
dans la Description de l’Égypte. L’obélisque à droite a été offert
à la France dans les années 1830 et se trouve aujourd’hui sur la
place de la Concorde à Paris.
Ils font même parfois figurer des personnages afin de rendre compte d’une échelle et signifier la monumentalité des vestiges antiques. Néanmoins, la Description de l’Égypte a le grand mérite de décrire des sites antiques de toute la région du Nil avec précision dont certains seront ensuite détruits ou restaurés.
La Description de l’Égypte lancera durablement l’égyptologie et redynamisera un orientalisme dans tous les domaines artistiques.
Au cours de cette expédition, la pierre de Rosette a été découverte dans le delta du Nil. La copie de ses gravures dans l’ouvrage permettra à Jean-François Champollion de proposer une traduction des hiéroglyphes en 1822.
Bibliographie :
- Robert Solé, La grande aventure de l’égyptologie, Paris : Perrin, 2019.